Cass. com., 5 oct. 2022, no 21-12488, F–D
Dénaturent les conclusions des liquidateurs d’une société fille, les juges du fond qui considèrent que ceux-ci entendent engager la responsabilité de la société mère alors qu’ils demandaient à ce que cette dernière, en tant que coemployeur, contribue au paiement des indemnités légales des salariés licenciés.
La jurisprudence a beau s’être fixée autour d’une approche restrictive du coemploi, la notion n’en garde pas moins une part de mystère. Les effets induits par cette requalification a posteriori continuent d’interroger faute d’être au clair sur les techniques juridiques à l’oeuvre. S’il est évident que l’objectif poursuivi s’avère d’imputer à une société mère les conséquences du licenciement économique des salariés d’une filiale, les moyens par lesquels s’opère cette levée du voile social demeurent assez obscurs. L’arrêt rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation le 5 octobre 2022 en offre un très bon exemple.
En l’espèce, les liquidateurs de la société Metaleurop avaient agi à l’encontre de sa société mère en sa qualité de coemployeur afin d’obtenir de sa part la prise en charge des indemnités légales qui avaient été versées aux salariés licenciés de la fille. La demande, cependant, fut rejetée par les juges du fond au motif que l’action en responsabilité était prescrite. Aux termes de leur pourvoi, les
liquidateurs reprochèrent à la cour d’appel d’avoir dénaturé leurs conclusions dans la mesure où leur demande n’était pas d’engager la responsabilité de la société mère mais d’exercer contre elle une action récursoire en tant que coobligé solidaire. Au visa de l’article 4 du Code de procédure civile, selon lequel l’objet du litige est déterminé par les parties, la Cour de cassation censure l’arrêt.
Bien qu’elle n’aborde la question que sous un angle procédural et ne tranche la difficulté de fond, cette décision montre à quel point la technique par laquelle le coemploi permet d’imputer à la société mère la dette de sa fille baigne dans un flou certain. À vouloir faire supporter par la société de tête la totalité des indemnités légales perçues par les salariés licenciés de la fille, ses liquidateurs formulaient des demandes s’approchant davantage de la responsabilité pour autrui que du recours en contribution. Le concernant, en effet, le principe de division de la dette retrouve à s’appliquer et implique de ne solliciter le coobligé qu’à hauteur de sa part. Probablement, est-ce ce qui trompa les juges du fond quant à la qualification de l’action menée.
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