Cass. com., 21 avr. 2022, no 20-10809, FS–B
Bien qu’il entraîne la dissolution de la société, le jugement de liquidation judiciaire rendu avant l’ordonnance du 12 mars 2014 est sans effet sur la personnalité morale, qui subsiste pour les besoins de la liquidation jusqu’à la clôture de celle-ci. Par suite, tant que cette publication n’est pas intervenue, les parts sociales composant son capital ont une existence juridique et sont susceptibles d’être restituées en nature.
Lorsqu’une société fait l’objet d’une procédure collective peu de temps après que ses titres ont été cédés, il n’est pas rare qu’un contentieux éclate quant à la validité de la vente intervenue. L’arrêt rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation le 21 avril 2022 s’inscrit dans ce cadre abordant la délicate question de la restitution des parts une fois la nullité de la vente prononcée et alors que la société concernée a été placée en liquidation judiciaire.
En l’occurrence, le cédant arguait principalement que la restitution en nature n’était pas possible du fait de la liquidation judiciaire qui, ouverte avant l’ordonnance du 12 mars 2014, avait entraîné la dissolution de la société et, ce faisant, reprochait à la cour d’appel de n’avoir pas ordonné de restitution en valeur. La Cour de cassation refuse de faire droit à cette argumentation retenant que la dissolution de la société n’avait pas pour conséquence de remettre en cause la personnalité morale et donc l’existence des parts sociales, lesquelles subsistent jusqu’à la clôture de la liquidation judiciaire.
Aux confins du droit des contrats et du droit des entreprises en difficulté, cette décision tranche d’importantes questions en matière de restitution laissées en suspens par l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. À certains égards, la haute juridiction semble priver le créancier de la possibilité de choisir entre restitution en nature et restitution en valeur, laquelle ne pourrait s’envisager qu’en cas d’impossibilité de la première. Au cas particulier, en effet, c’est parce que celle-ci restait possible que la Cour de cassation approuve les juges du fond de l’avoir ordonnée. Que la Cour en décide alors même que la société cible avait été placée en liquidation judiciaire démontre à quel point les conditions pour prétendre à une restitution en valeur s’entendent strictement. S’il est vrai que les parts sociales continuent d’exister malgré le prononcé de la liquidation judiciaire, les droits que celles-ci confèrent, spécialement pécuniaires, sont mis à mal par la procédure ayant vocation à être clôturée pour insuffisance d’actif. Ne faisant aucune distinction selon les perspectives de clôture, la Cour de cassation semble à l’avenir orienter le contentieux vers l’article 1352-1 du Code civil, lequel dispose que celui qui restitue répond des dégradations et détériorations qui ont diminué la valeur à moins qu’il ne soit de bonne foi et que celles-ci ne soient pas dues à sa faute.