CA Paris, 5-8, 20 sept. 2022, no 21/04054
En fixant à trois ans à compter du jugement de liquidation judiciaire le délai de prescription de l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif, l’article L. 651-2 du Code de commerce fixe un point de départ invariable et insusceptible de report.
Étant donné le rôle que jouent les établissements de crédit dans l’économie, le traitement de leur difficulté relève d’un régime d’exception s’organisant autour de règles de résolution et d’une procédure collective propre. Naturellement, cette dualité de procédures n’est pas sans poser problème. L’arrêt rendu par la cour d’appel de Paris le 20 septembre 2022 en atteste à travers une intéressante question concernant la prescription de l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif.
En l’espèce, une procédure de résolution bancaire avait été mise en oeuvre à l’égard d’un établissement bancaire en septembre 1999. Le fonds de garantie des dépôts qui était intervenu à la procédure et justifiait d’une créance de plus de 178 millions d’euros engagea une action en responsabilité à l’encontre de dirigeants sur le fondement de l’ancien article 1382 du Code civil et de l’article L. 225-251 du Code de commerce. Après plus de 20 ans de procédure, cependant, le fonds fut débouté de toutes ses demandes. En parallèle, une procédure de liquidation judiciaire fut ouverte à l’encontre de l’établissement bancaire par jugement du 24 juin 2015. Dans le cadre de cette procédure, le liquidateur engagea une action en responsabilité pour insuffisance d’actif à l’encontre de ces mêmes dirigeants, lesquels, entre autres arguments, prétendirent que l’action était prescrite. Bien que l’action ait été introduite dans les trois ans suivant le jugement d’ouverture, les dirigeants considéraient que la demande se heurtait au délai butoir de l’article 2232 du Code civil, lequel dispose que le report du point de départ de la prescription ne peut avoir pour effet de porter le délai de prescription extinctive au-delà de 20 ans à compter du jour de naissance du droit. L’argument n’est pas retenu par les juges du fond, lesquels écartent de ce délai butoir l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif dont le point de départ de la prescription est invariable.
Quoiqu’elle soit sévère pour les anciens dirigeants, la solution retenue par les juges du fond s’avère totalement en phase avec l’esprit qui préside à l’article 2232 du Code civil, lequel ne peut être pensé que comme la contrepartie d’un point de départ glissant pour l’exercice de l’action.
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