Issu de L’ESSENTIEL Droit des entreprises en difficulté – n°02 – page 2

Date de parution : 01/02/2019

Id : DED112e8

Réf : LEDEN févr. 2019, n° 112e8, p. 2

Auteur :

  • Nicolas Pelletier, maître de conférences à l’université de Nantes, membre de l’IRDP

L’autonomie de la personne morale n’interdit pas au tribunal, lors de l’examen du plan de redressement, de tenir compte, par une approche globale, de la cohérence du projet au regard des solutions envisagées par les autres sociétés du groupe.

Cass. com., 19 déc. 2018, no 17-27947, ECLI:FR:CCASS:2018:CO01038, PB

Le rapport du droit des entreprises en difficulté aux groupes de sociétés s’avère nécessairement ambivalent. Si la procédure collective ne peut ignorer l’entreprise unique que forment les sociétés, il lui faut aussi composer avec leur autonomie juridique. Difficile, le compromis nécessite de raisonner au cas par cas et d’arbitrer selon la règle dont le groupe contrarie la mise en œuvre. L’arrêt rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation le 19 décembre 2018 participe de cette méthode qui seule sied au traitement de situations juridiques imparfaites.

En l’espèce, deux sociétés faisant partie d’un groupe avaient été admises au bénéfice du redressement judiciaire. La première, la société de tête, vit son plan de redressement arrêté par le tribunal. La seconde, une société civile, vit son plan rejeté et sa liquidation judiciaire prononcée en première instance comme en appel. La société civile contesta cette différence de traitement faisant valoir que lorsque plusieurs procédures sont ouvertes simultanément contre des sociétés d’un groupe, leur capacité de redressement doit s’apprécier au regard de leurs ressources propres mais aussi de celles du groupe dans son ensemble. Bien qu’elle rejette le pourvoi et approuve les juges du fond ayant prononcé la liquidation judiciaire, la Cour de cassation conteste à la cour d’appel de n’avoir pas tenu compte de la réalité économique que constitue le groupe de sociétés pour juger des chances de redressement de la filiale. On ne peut plus logiquement, la Cour de cassation considère que l’autonomie juridique des sociétés du groupe n’exclut pas d’avoir une approche plus globale consistant à juger de la pertinence du plan proposé au regard du projet de restructuration du groupe dans son entier. Dès lors que les sociétés participent d’une même entreprise, le redressement de l’une va souvent dépendre de celui des autres. L’article L. 662-8 du Code de commerce qui prévoit que les procédures concernant des sociétés d’un groupe relèvent de la compétence d’un même Tribunal montre que le législateur en a parfaitement conscience. Procédant ainsi, il entend faire que les procédures soient coordonnées et permettent une restructuration globale du groupe en difficulté.

Au cas particulier, cependant, cette approche élargie ne permettait pas de légitimer le plan proposé par la société civile. Ainsi que le relève la Cour de cassation, celui-ci était moins motivé par l’intérêt du groupe que par celui de la société mère qui seule voyait ainsi son redressement favorisé.