Issu de Bulletin Joly Sociétés – n°07-08 – page 18

Date de parution : 01/07/2020

Id : BJS120x9

Réf : BJS juill. 2020, n° 120×9, p. 18

Auteur :

  • Nicolas Pelletier, maître de conférences à l’université de Nantes, membre de l’IRDP

L’engagement du dirigeant d’un groupe de sociétés en difficulté, qui se porte fort envers les organes de la procédure collective de ce que la cession de l’actif d’une filiale permettra le paiement d’une dette intragroupe mais ne s’engage pas pour la filiale à réaliser ses actifs pour un certain niveau de prix, ne constitue pas une promesse de porte-fort, constitutive d’une obligation de résultat l’exposant aux conséquences de son inexécution.

Cass. com., 18 mars 2020, no 18-19939, ECLI:FR:CCASS:2020:CO00211, F–D

Extrait :

Faits et procédure

  1. Selon l’arrêt attaqué (Besançon, 22 mai 2018), un tribunal de commerce a, le 28 juin 2005, mis en redressement judiciaire les sociétés Conflandey et Tréfileries de Conflandey, dirigées par M. L., qui était également « chairman » de la société américaine Conflandey Inc., filiale de la société Tréfileries de Conflandey, et désigné M. J. en qualité d’administrateur judiciaire.
  2. Le 16 décembre 2005, M. L. a adressé au juge-commissaire une lettre par laquelle il indiquait se porter fort de ce que le produit de la réalisation des actifs de la société Conflandey Inc. dégagerait une somme suffisante pour couvrir le passif de la société Conflandey Inc. au titre d’un prêt bancaire et les sommes dues aux sociétés Conflandey et Tréfileries de Conflandey.
  3. Le 31 janvier 2006, le plan de cession des sociétés Conflandey et Tréfileries de Conflandey a été arrêté et M. J. a été désigné en qualité de commissaire à l’exécution du plan.
  4. La société Conflandey Inc. n’ayant pas versé les sommes attendues, M. J., en sa qualité d’administrateur judiciaire et de commissaire à l’exécution du plan, a assigné M. L. en paiement de la somme de 2 millions de dollars américains.
  5. M. J., ès qualités, a interjeté appel du jugement ayant rejeté cette demande.
  6. La société AJRS, venant aux droits de la société P. J. et associés, et désignée en qualité de mandataire ad hoc de la société Tréfileries Conflandey, est intervenue volontairement à l’instance.
  7. Par un arrêt du 5 juillet 2016, la cour d’appel, statuant sur déféré d’une ordonnance d’un conseiller de la mise en état, a dit que seul l’appel formé par M. J. en sa qualité de commissaire à l’exécution du plan de cession était recevable.
  8. Par un second arrêt du 22 mai 2018, la cour d’appel a confirmé le jugement ayant rejeté l’ensemble des demandes de M. J., ès qualités, et a rejeté celles formées par la société AJRS, ès qualités.

Examen des moyens

Sur le premier moyen du pourvoi principal

Énoncé du moyen

  1. M. J., en sa qualité d’administrateur judiciaire et de commissaire à l’exécution du plan de cession des sociétés Conflandey et Tréfileries de Conflandey et la société AJRS, en sa qualité d’administrateur ad hoc de la société Tréfileries de Conflandey, font grief à l’arrêt de rejeter leurs demandes en paiement (…)

Réponse de la Cour

  1. Après avoir énoncé que la promesse de porte-fort est un engagement personnel autonome d’une personne qui promet à son cocontractant d’obtenir l’engagement d’un tiers à son égard et que celui qui, par un acte manifestant son intention certaine, souscrit un tel engagement, constitutif d’une obligation de résultat, est tenu, envers le bénéficiaire de la promesse, des conséquences de l’inexécution de l’engagement promis, l’arrêt retient, par une interprétation souveraine, exclusive de dénaturation, des termes de la lettre du 16 décembre 2005 que ce document ne contient aucun engagement de M. L. de payer à M. J., ès qualités, une somme de 2 millions de dollars américains et n’exprime aucune intention certaine et non équivoque de sa part de s’engager pour la société américaine Conflandey Inc. à réaliser ses actifs pour un prix qui ne serait pas inférieur à huit millions de dollars américains.
  2. En cet état, c’est à bon droit qu’abstraction faite du motif surabondant critiqué par la première branche, la cour d’appel, qui a procédé à la recherche prétendument omise invoquée par la troisième branche et n’a pas, contrairement à ce qui est soutenu par la sixième branche, méconnu son office, a retenu que M. L. n’avait pas souscrit de promesse de porte-fort.
  3. Le moyen, pour partie inopérant, n’est donc pas fondé pour le surplus.

Sur le second moyen du pourvoi principal

Énoncé du moyen

  1. M. J., en sa qualité d’administrateur judiciaire et de commissaire à l’exécution du plan de cession des sociétés Conflandey et Tréfileries de Conflandey, et la société AJRS, en sa qualité d’administrateur ad hoc de la société Tréfileries de Conflandey, font le même grief à l’arrêt (…)

Réponse de la Cour

  1. L’écrit qui constate une obligation de faire n’est pas soumis aux dispositions de l’article 1326 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-11 du 10 février 2016.
  2. Si c’est par erreur que, méconnaissant cette règle, la cour d’appel a énoncé que, faute de respect des conditions de forme exigées par l’article 1326, devenu 1376, du Code civil, la lettre du 16 décembre 2005 ne pouvait constituer, en elle-même, un engagement unilatéral source d’obligations pour M. L., tout en ajoutant que le non-respect de ces conditions affectait non la validité de l’engagement mais la preuve de sa portée et de son étendue, sa décision n’encourt pas pour autant la censure dès lors qu’elle a, par les motifs vainement critiqués par le premier moyen, retenu que M. L. n’avait souscrit aucun engagement de payer à M. J., ès qualités, une somme de 2 millions de dollars américains et qu’elle a rejeté les demandes en paiement fondées sur la qualification d’engagement unilatéral de cette lettre pour la raison que l’éventuel manquement de M. L. à l’obligation qu’il aurait souscrite n’avait causé aucun préjudice aux organes de la procédure collective des sociétés Conflandey et Tréfileries de Conflandey.
  3. Le moyen, en ses deux première branches, critique ainsi des motifs surabondants.
  4. Analysant les effets de l’inexécution de l’engagement pris par M. L., l’arrêt relève, qu’indépendamment de la lettre du 16 décembre 2005, le juge-commissaire aurait pu, lui-même, autoriser la société Tréfileries Conflandey, en sa qualité d’actionnaire majoritaire de la société américaine Conflandey Inc., à consentir au projet de réalisation de ses actifs.
  5. L’arrêt ajoute que M. J., ès qualités, ne produit aucune pièce justifiant de ce que la société américaine Conflandey Inc. aurait pu céder ses actifs à des conditions plus avantageuses.
  6. La cour d’appel a ainsi procédé aux recherches prétendument omises, invoquées par les troisième et quatrième branches.
  7. En l’état de ces constatations, c’est à bon droit que la cour d’appel a retenu que, faute de rapporter la preuve de l’existence d’un quelconque préjudice pour la procédure collective, y compris au titre d’une perte de chance d’apurer son passif, M. J., ès qualités, ne pouvait prétendre à des dommages-intérêts.
  8. Le moyen, pour partie inopérant, n’est donc pas fondé pour le surplus.

Par ces motifs : rejette les pourvois principal et incident éventuel ; condamne M. J., en sa qualité d’administrateur judiciaire et de commissaire à l’exécution du plan de cession des sociétés Conflandey et Tréfileries de Conflandey (…)

Cass. com., 18 mars 2020, no 18-19939, ECLI:FR:CCASS:2020:CO00211, F–D

Imaginé par la pratique, le porte-fort d’exécution est une sûreté dont les termes souvent ambigus la rendent insaisissable1, à tout le moins source de nombreux contentieux. Outre que la notion s’avère encore discutée compte tenu de sa proximité évidente avec la lettre d’intention, le porte-fort d’exécution s’avère souvent rédigé dans des termes imprécis dont le promettant entend tirer profit lorsqu’il est appelé en paiement. La difficulté vient de ce que si le porte-fort existe dans le Code civil depuis 1804, les articles 1120 puis 1204 l’ont d’abord conçu comme un tempérament à l’effet relatif des contrats c’est-à-dire comme une convention par laquelle un promettant s’engage à faire ratifier ou conclure par une partie qui n’y a pas consenti un acte déjà négocié sans elle. Au prix d’une interprétation extensive consistant à dire que le fait dont se porte fort le promettant pouvait également consister dans l’exécution d’une obligation contractuelle, la pratique, approuvée par la jurisprudence2, consacra, à côté du porte-fort de ratification d’origine, le porte-fort d’exécution en tant que sûreté personnelle. Créé ex nihilo, reposant pour l’essentiel sur le droit commun des obligations, le porte-fort d’exécution s’avère néanmoins une garantie fragile dont la mise en œuvre déçoit souvent les attentes placées en elle par le créancier. Cet arrêt, rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation le 18 mars 2020, témoigne de cette faiblesse dans le contexte d’une procédure collective.

En l’espèce, deux sociétés d’un même groupe avaient été admises au bénéfice du redressement judiciaire sous l’empire de la loi du 25 janvier 1985. Avant que ne soit arrêté un plan de cession commun à ces deux sociétés, leur dirigeant, qui était également chairman d’une filiale américaine de l’une d’entre elles, avait écrit au juge-commissaire concernant le règlement des sommes dues par la filiale aux sociétés du groupe, se portant fort de ce que les ventes d’actif par la société américaine permettraient, outre le remboursement des prêts bancaires, le paiement de la dette intragroupe. Les réalisations d’actif n’ayant pas été au niveau de ce que le dirigeant des sociétés du groupe espérait, la dette de la filiale sur le groupe ne put être honorée. En charge de recouvrer les actifs résiduels, le commissaire à l’exécution du plan de cession engagea une action en paiement à l’encontre du dirigeant. La demande n’ayant prospéré ni en première instance ni en appel, un pourvoi en cassation fut formé.

Aux termes du premier moyen, le commissaire à l’exécution du plan de cession formulait différents griefs à la cour d’appel qui n’avait pas retenu l’existence d’un porte-fort. Principalement, ce dernier faisait valoir que le porte-fort n’impliquait pas nécessairement la conclusion d’un contrat mais pouvait consister dans l’engagement unilatéral du promettant pour, ensuite, considérer que les termes du courrier adressé au juge-commissaire étaient suffisamment clairs pour en déduire que le dirigeant des sociétés du groupe s’était engagé à ce que la filiale, grâce à la vente de ses actifs, verse aux redressements judiciaires des sociétés du groupe la somme de 2 millions de dollars.

Aux termes du second moyen, le commissaire à l’exécution du plan contestait l’absence de condamnation du dirigeant alors même que la société mère, en tant que tiers à l’engagement unilatéral souscrit par ce dernier, pouvait solliciter réparation du préjudice causé par l’absence de vente des actifs de la filiale à un prix suffisant pour permettre le versement aux sociétés du groupe d’une somme de 2 millions de dollars.

Malheureusement pour le commissaire à l’exécution du plan, aucun de ces deux moyens ne prospère, la Cour de cassation notant que les juges du fond, par une interprétation souveraine exclusive de toute dénaturation, avaient exclu que le dirigeant du groupe ait pris l’engagement de verser une somme de 2 millions de dollars au commissaire à l’exécution du plan ou se soit engagé à ce que la société américaine réalise ses actifs pour un prix qui soit susceptible de rembourser la dette bancaire ainsi que la créance du groupe sur sa filiale. Ce faisant, la Cour approuve les juges du fond d’avoir considéré que le dirigeant n’avait souscrit aucune promesse de porte-fort, laquelle implique du promettant qu’il soit tenu d’une obligation de résultat. De la même façon, la Cour de cassation approuve les juges du fond d’avoir rejeté les demandes en paiement fondées sur l’existence d’un engagement unilatéral dans la mesure où, en l’absence de preuve que la filiale américaine aurait pu vendre ses actifs à des conditions plus avantageuses, l’existence d’un préjudice découlant de l’obligation qui aurait été souscrite n’était pas rapportée.

Dense, l’arrêt rendu le 18 mars 2020 par la Cour de cassation conforte dans l’idée que le porte-fort baigne dans un certain flou. De la lecture de cette décision, ressortent en effet des orientations contradictoires. D’un côté, la haute juridiction montre une certaine souplesse concernant les conditions d’octroi de la garantie. Au contraire des juges du fond, la Cour de cassation n’exprime aucune réserve quant à l’existence de la sûreté alors que celle-ci n’avait rien d’évident. Tandis que le pourvoi lui en donnait la possibilité, la Cour n’envisage pas la difficulté posée par la rencontre des consentements. Quant au second moyen qui reposait sur l’existence d’un engagement unilatéral de volonté, la Cour n’émet aucune réserve sur la possibilité qu’une volonté unique puisse obliger son auteur (I).

À l’inverse, la Cour se montre d’une grande sévérité concernant le sens de l’engagement pris par le promettant. À l’instar des lettres d’intention, le porte-fort n’est retenu qu’à la condition que les termes employés manifestent une intention certaine chez le promettant d’être lié par une obligation de résultat. Le cas échéant, la Cour conclut à l’existence d’une obligation de moyens dont la violation s’avère souvent difficile à établir (II).

I – Une appréciation souple des conditions de formation du porte-fort

La promesse de porte-fort peut bien ne mettre d’obligations qu’à charge du promettant, sa formation, comme pour tout contrat, nécessite la rencontre de deux volontés. De ce point de vue, les circonstances dans lesquelles le dirigeant s’était engagé, en l’espèce, n’étaient pas sans soulever certaines difficultés. L’arrêt précise, en effet, que durant le redressement judiciaire et avant que le plan de cession n’ait été arrêté, ce dernier avait adressé au juge-commissaire un courrier indiquant qu’il entendait se porter fort de ce que le produit de réalisation des actifs de la filiale américaine permettrait d’apurer un prêt bancaire ainsi que les sommes dues aux deux sociétés du groupe admises au bénéfice de la procédure collective. Au cas particulier, la difficulté vient de ce que le juge-commissaire, bien que souvent présenté comme le « chef d’orchestre » de la procédure collective, ne dispose d’aucun pouvoir de représentation du débiteur. En redressement judiciaire, comme au cas particulier, ce pouvoir appartient au dirigeant assisté par l’administrateur judiciaire ou à ce dernier seulement s’il est chargé d’une mission de représentation. Ainsi, à considérer que le courrier adressé par le dirigeant de la filiale américaine était une offre faite à personne déterminée, la rencontre des consentements dont dépend la formation du contrat paraissait poser difficulté. Pourtant, la Cour de cassation se garde bien d’envisager ce point semblant juger, tout en rejetant l’idée que le porte-fort se forme par le seul engagement du promettant, que la conclusion du contrat ne faisait aucune difficulté. Il est vrai que l’existence d’un seul et même dirigeant pour les sociétés créancières et débitrice plaidait en faveur d’une rencontre des consentements. De la même façon, la promesse de porte-fort s’analysant en un contrat unilatéral, le silence gardé par le bénéficiaire pouvait s’interpréter comme valant acceptation. Faire état de ces éléments aurait eu le mérite de la clarté dans une décision qui, du moins pour ce qui concerne la formation de la garantie, en manque singulièrement.

En effet, le second moyen du pourvoi centré sur l’idée que la lettre adressée par le dirigeant au juge-commissaire s’analysait en un engagement unilatéral de volonté amène la Cour de cassation à raisonner en ces termes au risque de ne plus comprendre la source de la garantie souscrite. Avant comme après l’ordonnance du 10 février 2016, l’engagement unilatéral de volonté n’est admis comme une source d’obligation qu’en cas de promesse d’exécuter une obligation naturelle3, ce qui ne saurait être le cas en l’espèce. Si la Cour de cassation a déjà eu recours à ce raisonnement dans le cadre d’une procédure collective,4 le contexte était très différent de celui de l’arrêt du 18 mars 2020. En l’occurrence, il s’agissait d’un dirigeant qui, lors d’une audition par des services de police, avait pris l’engagement de payer sur son patrimoine personnel le prix d’un véhicule payé par le client mais non livré au jour de la liquidation judiciaire. En l’absence de faute de gestion lui étant reprochée, la situation du dirigeant dans l’arrêt commenté était sensiblement différente. L’idée d’un devoir moral au soutien de la garantie souscrite tient difficilement et amène à penser que, sous couvert d’engagement unilatéral, la Cour de cassation renvoie à l’engagement autonome que souscrit le promettant dans le cadre du contrat de porte-fort.

Ainsi, faut-il seulement voir dans cette décision, la confirmation d’une certaine souplesse dans les conditions de formation de la promesse de porte-fort. Née de la pratique, cette garantie n’obéit à aucun formalisme particulier y compris d’un point de vue probatoire car, comme le rappelle la Cour de cassation, cette garantie met à la charge du promettant une obligation de faire, laquelle échappe aux formalités de l’article 1376 du Code civil.

Cette souplesse, qui participe de la liberté contractuelle, s’avère cependant mise à mal par la rigueur dont fait naturellement preuve la Cour de cassation dans l’interprétation des obligations souscrites, laquelle se fait dans l’intérêt du promettant.

II – Une appréciation rigoureuse des engagements souscrits par le porte-fort

Ainsi que le rappelle parfaitement l’arrêt, l’obligation que le porte-fort met à la charge du promettant est autonome de celle souscrite par le débiteur garanti. À la différence de la caution, le porte-fort est tenu, non pas d’exécuter l’obligation du débiteur garanti, mais de faire en sorte que celui-ci s’en acquitte. Véritable obligation de faire, ce devoir comportemental5 épouse des contours qui nécessairement varient selon les termes du contrat souscrit au profit du bénéficiaire. Or, là résidait toute la difficulté posée par l’engagement souscrit par le dirigeant des sociétés du groupe, lequel plutôt que de s’engager à ce que la filiale paye les créances intra-groupes s’était porté fort de ce que les réalisations d’actif par la filiale atteignent un niveau de prix permettant aux sociétés du groupe de recouvrer 2 millions d’euros.

Avec un engagement exprimé en ces termes, la Cour de cassation, tout naturellement, approuve les juges du fond d’avoir exclu que le dirigeant s’était engagé à verser 2 millions de dollars aux sociétés du groupe ou la différence entre cette somme et celle reçue de la filiale. Véritable garantie indemnitaire, la promesse de porte-fort ne permet la mise en cause du promettant que sur le fondement de la responsabilité contractuelle, laquelle, sauf clause de responsabilité, fait dépendre le montant des dommages-intérêts du dommage subi et prévisible au jour de la conclusion du contrat. En l’espèce, le raisonnement mené par les juges du fond et approuvé par la Cour de cassation montre que la mise en cause du dirigeant sur le fondement de la responsabilité contractuelle n’a pas le caractère systématique que le demandeur au pourvoi lui prêtait. La Cour relève, en effet, que la preuve d’un préjudice pour la procédure collective n’était pas rapportée, faute pour ses organes d’avoir démontré que la filiale américaine aurait pu vendre ses actifs à meilleur prix et ainsi permettre un meilleur désintéressement des sociétés du groupe.

Tel qu’il était formulé, la Cour estime en effet que l’engagement souscrit ne portait pas sur le règlement de la créance intra-groupe mais sur la vente des actifs qui devait en permettre le paiement. Concernant cette cession, en outre, la Cour considère qu’il n’y avait pas d’intention claire du dirigeant de s’engager à ce que la filiale vende ses actifs à un prix plancher, ce qui suppose l’existence à sa charge d’une simple obligation de moyens et explique que la Cour refuse d’entrer en condamnation sans que soit démontrée la possibilité d’une vente à meilleur prix des actifs de la filiale américaine. Le raisonnement proposé n’a rien d’étonnant et rappelle le lien qui unit le porte-fort à la lettre d’intention pour laquelle la Cour de cassation considère qu’en l’absence d’engagement sur un comportement précis et détaillé, l’obligation du garant s’avère seulement de moyens6.

Notes de bas de page

  1 –Libchaber R., « La vaine recherche de sûretés personnelles nouvelles : l’insaisissable porte-fort de l’exécution », RJDA 8-9/2006, p. 787.

  2 –Cass. com., 13 déc. 2005, n° 03-19217 : Bull. civ. IV, n° 256 ; BJS avr. 2006, n° 95, p. 482, note Barbièri J.-F.

  3 –Chantepie G. et Latina M., La réforme du droit des obligations, 2e éd., 2018, Dalloz, p. 60, n° 66.

  4 –Cass. 1re civ., 17 oct. 2012, n° 11-20124 : BJS févr. 2013, n° 73, p. 117, note Dondero B.

  5 –sur la notion Dupichot P., Le pouvoir des volontés individuelles en droit des sociétés, 2005, Panthéon-Assas, Thèses, préf. Grimaldi M., nos 398 et s.

  6 –Comp. Mazeaud D., « Variations sur une garantie épistolaire, la lettre d’intention », in Mélanges Jeantin, 1999, Dalloz, p. 341 ; v. également Cass. com., 19 déc. 2019, n° 18-12287 : BJS mars 2020, n° 120q7, p. 13, note Dalmau R. : la Cour de cassation qualifie d’obligation de résultat l’engagement de faire en sorte qu’aucun créancier n’éprouve de perte du fait des engagements du débiteur et de faire de toute manière le nécessaire afin que sa filiale respecte ses engagements et dispose d’une trésorerie suffisante.