Issu de L’ESSENTIEL Droit des entreprises en difficulté – n°11 – page 5

Date de parution : 01/12/2019

Id : DED112y8

Réf : LEDEN déc. 2019, n° 112y8, p. 5

Auteur :

  • Nicolas Pelletier, maître de conférences à l’université de Nantes

La déclaration de créance au passif du débiteur principal mis en procédure collective interrompt la prescription à l’égard de la caution et cette interruption se prolonge jusqu’à la clôture de la procédure collective. La prolongation de la liquidation judiciaire tant que tous les actifs n’ont pas été réalisés est de nature à permettre le désintéressement des créanciers et ne porte pas une atteinte disproportionnée à l’intérêt particulier de la caution.

Cass. com., 23 oct. 2019, no 17-25656, ECLI:FR:CCASS:2019:CO00838, PB

Par cette décision, la cour d’une part confirme que la déclaration de créance interrompt la prescription à l’égard de la caution jusqu’à la clôture de la liquidation judiciaire. D’autre part, et là réside tout l’intérêt de la décision, la Cour considère que la caution, bien qu’exposée à des poursuites sur un temps parfois très long ne peut se prévaloir d’un manquement aux principes de sécurité juridique ou d’égalité des armes pas plus que d’une violation de l’article 6, § 1, de la CEDH.

À la caution qui se plaignait d’être dans l’impossibilité de se défendre par l’invocation de la prescription tandis que le créancier pouvait agir dès sa déclaration de créance au passif de la liquidation judiciaire, la Cour de cassation oppose la possibilité d’une prescription ainsi que la faculté pour la caution de solliciter la clôture de la liquidation judiciaire du débiteur principal. Procédant au moyen d’un contrôle de proportionnalité, la Cour conclut que la caution ne subit aucune prescription excessive au regard des intérêts en présence.

Si le raisonnement n’appelle aucune critique du point de vue des libertés fondamentales, le principe qui l’amène et qui veut que la prescription ne court à l’encontre de la caution que du jour de la clôture de la liquidation judiciaire paraît plus contestable. L’article 2246 du Code civil a beau prévoir que la demande en justice du créancier contre son débiteur interrompt la prescription à l’égard du garant, on comprend mal pourquoi il faut attendre la clôture de la liquidation judiciaire pour que la prescription reprenne à l’égard de la caution. Cette dernière ne bénéficiant pas de l’arrêt des poursuites, il serait plus logique que la prescription parte à nouveau du jour où le créancier peut la poursuivre. À la repousser davantage, la Cour de cassation semble considérer que l’action contre la caution ne se prescrit que du jour où « la messe est dite » (J.-P. Sortais ss Cass. com., 3 févr. 2009, n° 08-13168 : LPA 26 janv. 2010, p. 13), ce qui ne paraît guère satisfaisant dès lors que l’action peut être exercée bien avant, la caution solvens prenant la place du créancier garanti dans la procédure du débiteur principal.